Ail et Gingembre | Le BLOG - Ail & Gingembre

Aller au contenu

Merde IN -> Merde OUT

Ail & Gingembre
Publié par dans Apprendre à apprendre · 28 Juin 2022
Merde in > Merde out... Ce célèbre dicton d’ingé son nous explique (avec poésie) que si les prises de départ ne sont pas bonnes, en sortie le résultat ne sera pas très bon non plus. Il faut donc soigner les prises, pour donner un maximum de chance au produit final.
Pour notre cerveau, et pour l’apprentissage c’est pareil !

Comme toi, je suis allé à l’école. Et comme toi (très probablement), on ne m’a jamais expliqué comment mon cerveau apprend. Et je suis tombé sur un article très parlant dernièrement qui m’a poussé à écrire cet article.
 
J’ai trouvé ces informations dans le livre Pablo Servigne : L’Entraide, l’autre loi de la jungle. Ce livre passionant montre comment notre société en est venue à considérer que la seule loi de la jungle, c’est chacun pour sa pomme, et que les plus forts survivent en écrasant les plus faibles. Ce livre illustre par de nombreux exemples des situations où les êtres vivants sont très souvent amenés à collaborer, entre espèces ou au sein de mêmes espèces. Je recommande la lecture de ce livre pour déconstruire quelques acquis bien toxiques de la loi du plus fort. Et dans ce livre, vous aurez donc un passage qui aborde les travaux de Daniel Kahneman.

Ca y est, l’article commence enfin !
Donc, ce Daniel Kahneman, et son équipe, est parvenu à démontrer que notre cerveau possède deux principaux systèmes de fonctionnement : un mode 1 et un mode 2. En général, je suis assez frilueux lorsqu'il s'agit de simplifier le fonctionnement du cerveau, mais j'avoue que là, ça m'a (beaucoup) parlé.
Le mode 1  
C’est le mode « automatique », non conscient, intuitif.
Lorsque je conduis une voiture depuis un certain nombre d’années, la gestion du levier de vitesses, des trois pédales, des trois rétroviseurs, des panneaux de signalisation, du code de la route, des autres usagers et de l’itinéraire… tout ça se fait dans ce mode intuitif, automatique. Ce mode a la particularité d’être très économique en énergie, rapide, fiable. Bref, c’est le mode idéal pour un organisme vivant. Mais ce mode possède quelques défauts (bah oui!!), il provoque des biais cognitifs qui induisent des erreurs de perceptions logiques, des erreurs de calcul, des illusions... bref, il a ses limites (je donne un exemple : à la question « Dans son arche, combien d’animaux de chaque espèce Moïse a-t-il transporté ? », les gens se mettent à imaginer des lions, des tigres, des chèvres etc... et ils comptent... mais rares sont les gens qui s’aperçoivent tout de suite que ce n'est pas Moïse mais Noé qui a sauvé des animaux sur son arche... C’est un exemple très célèbre qui illustre ces biais cognitif).

Revenons à la musique...
Ce mode 1, c’est quand je joue un morceau que je connais parfaitement. Je ne réfléchis plus aux paroles, à l’arrangement, à mes doigts sur l’instrument, à la position de mon corps…
Le mode 1, c’est donc la compétence inconsciente, celle que nous recherchons à atteindre il me semble en tant que musicien, pour libérer de la mémoire vive , afin de se centrer sur l’interprétation, le swing, ou sur la relation avec le public en concert et tout un tas d’autres choses.
Le mode 2
C’est le mode « manuel ». Un  mode conscient, réfléchi et calculé, où ma conscience intervient, agit, délibère. Par exemple, si je te demande de calculer 47 x 23.
Il consomme donc de l’énergie, il est coûteux, fatiguant, mais au final, on est sûr de ne pas trop se tromper si on se concentre bien sur la question.
La compétence est donc consciente, elle s’acquiert au prix d’un effort. Et lorsque cet effort aura été suffisamment laborieux et que le cerveau aura tracé tout le nouveau circuit, le cerveau bascule sur l’autre mode, le mode 1 auto, et retrouve la paix...
Implications
Si tu apprends la guitare (en mode 2 donc) avec de très mauvais défauts dès le départ, ton cerveau va se mettre en mode 1 avec ces mêmes défauts, et tu vas continuer comme ça des années. J’ai rencontré de nombreux musiciens emprisonnés dans des travers très durs à corriger, qui finissent par plafonner et se décourager, avec un mode 1 tout pourri. Les défauts en guitare par exemple sont ceux qui empêchent de sortir un son qui ressemble à ce qu’on attend d’une guitare. Ce sont aussi les défauts qui t’empêchent d’accéder à des techniques de jeu plus évoluées. Un défaut, ce n’est pas forcément une lacune. Car une lacune, par exemple, ça peut être ‘’ne pas connaître le solfège’’. Une lacune peut juste être comblée en démarrant un apprentissage. Un défaut, c’est un apprentissage qui a été fait de sorte que la progression devient impossible car le mal a été fait en mode 2 provoquant un mode 1 défectueux.
Comment faire donc pour s’assurer qu’on apprend bien ?
Il faut qu'à chaque instant, ou tout du moins le plus souvent possible, nous puissions avoir un feedback de ce que nous sommes en train de faire avaler à notre cerveau, lorsque nous commes en mode 2, le mode conscient. Si nous répétons un geste inapproprié pendant des années, voilà ce que notre cerveau aura enregistré, et voilà ce qu'il va nous faire reproduire : ce mauvais geste. Et notre mode automatique est merdique (pour refaire le lien avec le titre)...
Comment faire concrètement ?
Soit tu as un suivi avec un prof, un maître (cours réguliers particuliers...). Il va corriger tes défauts au fur et à mesure (de posture, de jeu, de son...).
Soit tu as la méthode auto-didacte, qui marche très bien aussi, et là, il te faut ; un casque audio pas trop dégueu et un enregistreur basique style dictaphone. Et aussi, j'allais oublier : de la patience et de la bienveillance avec soi-même.
Il faut donc s'enregistrer, souvent, pour vérifier où on en est. C'est une auto-évaluation.
Mais tu fais déjà ça, le matin, quand tu t'habilles, te maquilles. Tu te regarde dans un miroir, tu observes, et tu corriges. Pourquoi pas le faire avec ton apprentissage musical ?
Il est aussi possible de se filmer, car le corps donne de nombreuses informations : tensions, crispations, asymétries, raideurs, regards, clignement des yeux, pincements des lèvres, tremblements... Autant de signes intéressants. Les raideurs, les tensions peuvent bloquer le corps et empêcher les sons de sortir (en chant), ou l'instrument de sonner.

En ayant un feedback de sa production, on s'assure qu'on n'est pas en mode "merde in -> merde out".
Un article sur de la méthodologie est en cours de rédaction et fait suite à cet article.
Conclusion
En mode 1, c'est à dire en mode automatique, le cerveau fonctionne de manière économique, et libère de la place pour faire autre chose en même temps : se concentrer sur le groove, prendre des postures de guitare hero, headbanguer, jeter un regard complice à son pote bassiste (ça fait au moins une personne qui lui porte un intérêt...).
En mode 2, on est en train d'apprendre, donc attention, l'enjeu est énorme, car on est en plein ''gravage du disque''. Donc si on fait n'importe quoi, faudra pas s'étonner après...

Allez, au boulot !


Retourner au contenu