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Comment connaître son niveau en musique ?

Ail & Gingembre
Publié par dans Apprendre à apprendre · 28 Février 2022
 
Quel est ton « niveau » en musique ?
Dans certains sports, c’est facile de répondre à cette question. Au tennis, je suis balle verte, ou je suis classé 30/2. En équitation, j’ai mon galop 2 ; au ski, j’ai mon flocon d’argent ; au karaté, je suis ceinture bariolée orange/verte avec 2 barrettes.
Dans chaque discipline, ces grilles permettent de mieux répartir les pratiquants et de garantir leur sécurité, et le bon déroulement des activités. Au ski, le petit flocon d’argent ne permettra pas d’accéder aux pistes noires dangereuses, et au tennis, on ne fera pas une séance comprenant des ado classés 15 et des ados balle jaune.

 
Et en musique ?
Eh bien on n’a pas de système équivalent.
Poutant, cela pourrait être utile. Cela permettrait :
  • d'avoir une meilleure connaissance de ses capacités,
  • d'avoir des objectifs de progression clairs,
  • de mieux orienter son travail,
  • d'avoir une motivation à se dépasser en visant d'accéder au niveau supérieur...
  • de choisir des formations en adéquation avec son niveau, comme au tennis, au ski, en équitation etc...

Alors, je propose ici une petite grille qui peut être utile. Je me suis inspiré des couleurs de ceinture de karaté.
Tout ça est perfectible à l’infini, et il pourrait y avoir pour chaque instrument sa propre grille…
Et toi, t’es quelle ceinture ?
Ceinture blanche: c'est une personne qui n'a jamais fait de musique, jamais pratiqué, n'a aucune compétence spécifique, ni connaissance théorique. C'est le grand débutant par excellence. Il vient de s'inscrire dans une chorale, ou à des cours de piano. Bienvenue dans l'univers merveilleux de la pratique musicale!

 
Ceinture jaune: on peut dire que c'est une personne qui a déjà un pied dans la musique : elle chante dans une chorale depuis quelques années, elle a commencé des cours de piano, elle joue dans une batucada, au choix. Elle sait jouer quelques pièces simples, ou des fragments. Elle a besoin de sa partition pour jouer, elle a besoin de son chef de choeur et de sa chorale tout entière pour chanter. Sans ces béquilles, patatra.

 
Ceinture orange: à ce niveau, on enlève les roulettes du vélo, et on prend de la vitesse. La personne est capable de jouer de son instrument de façon assez fluide sur quelques morceaux, elle est capable de jouer dans un collectif des choses assez simples, de s'intégrer à un groupe. Dans sa chorale, elle est à l'aise, elle connaît bien les chants, elle sait trouver sa voix dans l'ensemble, et arrive à ne pas être « contaminée » par les autres voix. Pour l'instrumentiste, admettons... le guitariste : la personne connaît ses accords de base, elle connaît bien entendu le nom de ces accords, elle sait accorder son instrument seule. Côté polyphonie vocale, la ceinture orange est capable de chanter en petit effectif, du genre deux ou trois par voix, sur des morceaux basiques et entiers. Le vocabulaire musical commence à s'étoffer. Elle peut chanter dans un groupe et faire quelques représentations. Mais elle a besoin des copines pour trouver la tonalité, le bon tempo... et ce n'est pas elle qui va mener le groupe, ni cadrer la représentation, ni corriger les erreurs, ni donner une orientation artistique au groupe. Elle ne va pas mener les autres. Elle les suit, mais elle les suit bien, sur du répertoire « simple ».

 
Ceinture verte: la ceinture verte, c'est le moment où la personne devient actrice de sa musique, elle a gagné en autonomie. La personne est capable de chanter en polyphonie en effectif réduit : un par voix, des chants « simples ». Elle a quelques notions musicales. A ce stade, elle s'est déjà enregistrée, avec un smartphone, une caméra, ou tout autre système, et elle est capable d'entendre ce qui ne lui plaît pas, voire d'entendre ce qui ne va pas, sans pour autant situer le problème avec exactitude, encore moins à le corriger toute seule. Ces sessions d’enregistrement se ritualisent, car le musicien a compris qu’il ne pourrait pas en faire l’impasse pour progresser.
A ce niveau, le musicien est plus acteur, moins répétiteur, mais l'autonomie n'est pas encore totale. A ce stade, on peut quand-même compter sur elle/lui dans un line up amateur.

 
Ceinture bleue: à ce stade, on doit pouvoir s'enregistrer en multipiste*. Pour moi c'est LE truc de la ceinture bleue : s'enregistrer en multipiste. On est donc capable de chanter ou jouer au métronome, et on passe davantage de temps à s'enregistrer pour chercher à s'améliorer. La ceinture bleue est un musicien amateur méthodique, qui commence à s'organiser (et qui donc se heurte à des « problèmes » musicaux dont la résolution permet de progresser). Il possède un peu de matos (un micro, un casque, un instrument de qualité, de quoi s'enregistrer bien sûr). Bien entendu, il sait gérer un peu de technique. Un musicien qui ne s'enregistre pas stagnera comme le danseur ou le comédien qui ne se filme pas, ou qui travaille sans miroir.
Pour passer à la ceinture marron, tout.e chanteur.euse devra impérativement savoir jouer (même basiquement) d’un instrument mélodique ou harmonique en plus de la voix : guitare, piano, pour les classiques. Car l'apprentissage d'un instrument ouvre sur des capacités de type psycho-motricité, qui impliquent le passage par le corps (pour moi, la voix est un instrument à part, car elle nous accompagne depuis la naissance). Ce passage par le corps va offrir des possibilités de passer sur de nouveaux instruments avec un peu plus d’aisance.
Pour résumer, être ceinture bleue, c’est ouvrir le capot, et mettre les mains dans le cambouis. C’est monter et démonter le moteur, pour le remonter encore. Pièce par pièce. Il commence à y avoir les prémices d’une intentionnalité, et les choses commencent à devenir sérieuses...

 
* s'enregistrer en multipiste : c'est le fait, par une interface quelconque, d'enregistrer plusieurs pistes qui se superposent, pour par exemple recréer une polyphonie à 3 voix à partir de sa propre voix seulement. On recrée, seul, toutes les parties d'un groupe, ou du moins les parties essentielles. Il faut donc le matériel adapté. Enregistreur « portastudio », ordi avec carte son, casque, micros...

 
Ceinture marron : on n'est pas encore professionnel, mais il en faudrait peu pour que ça soit rendu possible. On a donc déjà un groupe avec lequel on répète régulièrement, on fait quelques concerts, on est capable de s'enregistrer en multipiste bien sûr, voire de commencer à faire quelques arrangements, inventer des contrechants, des rythmes, des polyrythmes. Il y a cette notion d’intentionnalité qui commence à s’affirmer (je veux créer cet effet, je veux utiliser cette guitare et pas une autre, je veux sonner comme ça, je veux obtenir cette atmosphère, je veux je veux je veux, et je fais, du moins j’essaie). Et comme j’essaie beaucoup, je me trompe beaucoup, et donc j’apprends beaucoup !
On doit être capable d'un passage en studio pour une maquette ou un disque. On a une culture musicale étoffée, on joue souvent, notre instrument n'est jamais dans sa housse. Une ceinture marron est capable de toucher un tout nouvel instrument et de le faire sonner assez rapidement, il y a une notion de psycho-motricité. Donc, une chanteuse/un chanteur qui ne fait rien d'autre que chanter, pour moi, ne peut pas accéder à la ceinture marron. Les chanteuses/les chanteurs que vous adorez et que vous écoutez souvent ont toutes et tous la maîtrise d'un autre instrument que leur voix. Menez l'enqête si vous avez des doutes. Il y a souvent des blagues sur les chanteurs et sur les chanteuses, qui sont souvent moqué.es dans le milieu professionnel. Ce qui peut expliquer ces moqueries, c'est le fait que lorsqu'on joue d'un instrument, on est amenés à se poser des questions que la pratique vocale ne nous permet pas de nous poser. Exemple tout bête : les accords. La voix chantée tout seul ne permet tout simplement pas d’exécuter un accord. Autre exemple, sur une guitare ou un piano, la notion de demi-ton est très visuelle. Vocalement, c'est beaucoup plus sensible. Il existe des exceptions évidemment, mais la pratique instrumentale est d’une aide précieuse pour le chanteur/la chanteuse.
A ce stade aussi, ce qu'on appelle communément « l'indépendance » commence à s'installer : on doit pouvoir accompagner sa voix d'un instrument : guitare+chant ; percu+chant ; piano+chant etc... Au moins sur des airs connus et déjà travaillés.

 
Ceinture noire: Là, c’est la professionnalisation. Musiciens.nes pro, intermittents du spectacle, professeurs de musique, diplômes reconnus en tout genre. Inutile de détailler. Après on a les DAN, 1ère DAN c'est l'intermittent qui démarre, 10ème DAN c'est par exemple la personne qui écrit des musiques de films avec une partoche pour 15 instruments différents après 30 ans de carrière. Puis tout l'éventail des nuances…

 
Mettre les gens dans des cases, encore !
Voilà, ceci n’est qu’une idée très générale, mais elle donne les grandes lignes, et des premières bases. Tout le monde ne sera pas d’accord avec cette classification (et c’est tant mieux, ça prouve que le monde est complexe et riche!).
Et loin de moi l’idée d’enfermer des gens dans des cases, c’est juste une aide, car l’humain est d’une complexité insondable et ces cases ne résistent pas une seconde à toutes les exceptions.
Mais à terme, j’aimerais bien utiliser cette grille pour orienter les gens en les aidant à choisir le bon stage dans les propositions Ail Gingembre. Et aussi, j’aimerais proposer des stages à des publics ciblés, pour affiner la proposition. Genre stage pour ceintures orange à bleue, ou pour ceinture blanche uniquement, ou pour marron et noire… Qu’en dites-vous ?

 
Remarque (et pour finir!!)
Rien n'empêche à une ceinture noire de participer à un stage ceinture blanche + jaune, mais elle sait d'emblée que le programme sera peut-être ennuyeux pour elle.
Inversément, une ceinture orange qui vient à un stage pour ceinture marron+noire, risque de se sentir nulle et larguée...
Au karaté, aucun maître japonais n'aurait idée de mélanger des ceintures jaunes avec des marrons. C'est tout simplement dangereux, physiquement.
En musique, il n'y a pas de danger physique, mais plutôt un danger psychologique lié au fait que la pratique musicale est une pratique expressive où l'on engage beaucoup de sa personne. Avec les conséquences que cela implique : on peut se sentir nul au milieu de gens qui apprennent vite, et saboter rapidement son enthousiasme, voire pire.
Pour moi, en tant qu'animateur, c'est central. Apprendre ne peut pas juste une question de ''j'ai envie, je suis motivé''. On doit savoir où on met les pieds pour ne pas se blesser. Et il y a aussi une notion de respect pour les autres stagiaires, pour l'animateur, et pour soi-même.


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